« Vita ! » Le nom de ta chienne résonna un instant au lointain, quand apparut soudain la tête de la belle au milieu des hautes herbes du pré du Lady. Ses oreilles planant au moment du saut, elle te rejoignit en quelques gracieux ( *tousse*) sauts. Elle n'était plus la minuscule boule de poils tremblotante qu'elle avait été le premier jour, elle avait un peu grandit mais n'avait pas fini sa croissance. Elle avait prit de l'assurance, aussi.

Lady, quand à elle... Etait toujours aussi élancée, et malgré ses mois de ''repos'', elle avait un peu de muscles grâce aux séances de longe. Sans la lacher du regard, tu continuas à avancer jusqu'à la clôture. La dernière fois, le mors à la pomme était passé crème, le filet ne serait pas un problème pour ta jument. En revanche... Pour l'instant, le truc de « porter un cavalier » c'était pas encore ça. Mais au vu de son passé, aller trop vite risquer de tout chambouler. Le peu qu'elle connaissait des hommes n'était pas très positif...

Tu caressas sa crinière tandis qu'elle observait la boxer sauter en jappant de temps en temps. Même si tu pensais avoir progressé avec elle, ce regard placide ne la quittait que rarement. Elle avait beau commencer à découvrir ce qu'était la relation avec un cavalier, on n'efface pas 6 ans d'une vie en quelques mois. Mais le temps que cela te prendrait, ça t'importait peu. Tu attendrais.

Aujourd'hui, tu n'allais pas proprement travailler. Ou du moins, si, mais sans qu'elle s'en rende compte. Tu avais emmené avec toi un vieux pull, idéal pour un pré-débourrage ! Sa vie de pull étant maintenant finie, il s'était trouvé un nouveau job et exercait à présent le métier d'imitateur de selle. « Regarde Lady ! » Ta princesse réagit à ta voix, et tourna la tête vers toi. Tu lui fis humer le pull, tout en sachant très bien comment elle allait réagir. Ce n'était pas très dur à deviner : elle le huma sans trop de curiosité, puis détourna son attention. On ne lui avait pas vraiment appris à être curieuse, ou bien à réagir comme un cheval , c'est à dire à fuir, à cabrer, ou à coucher les oreilles. Alors ce pull, qui ne faisait pas de bruit, et lui caressait le dos sans plus... Elle s'en fichait. Mais pour une fois, cela pourrait te servir ! Tu lui enfilas le pull sur le dos avec délicatesse, l'ajustant pour qu'il ne frotte pas sur le garrot au risque de l'abimer, puis attacha les deux manches au niveau où tu aurais attaché la sangle. Tu fis un double-noeud « sécuritaire », puis tu caressas l'encolure de l'akhal. Elle tourna la tête et huma un peu l'objet, puis plongea la tête dans l'herbe. Au vu de sa réaction, tu te risquas à resserrer un peu les manches, puis tu pris sa longe, et la fis marcher dans son pré. La présence d'autre juments n'était pas gênante. Pour le débourrage, bien sûr, tu l'ammenerais dans des installations convenables, mais pour l'instant, rien ne pressait.

Elle te suivit, encolure détendue, regard vaguant autour d'elle. Au fur et à mesure, tu entrepris d'accélérer pour changer un peu, et ses sabots fendant l'herbe haute qui marquait le début du printemps, tu parcourus une cinquantaine de mètres avant de t'arrêter, et de compliquer la chose en appuyant tes mains sur son dos, sur le pull. Elle ne réagit aucunement à la légère pression qui marquait le début de l'exercice, et pourtant... L'impossible arriva. Alors que tu commençais à appuyer un peu plus tes mains, elle réagit ! Elle réagit car le doute la prit, et tant mieux. Enfin une réaction de cheval, une réaction naturelle, qui s'éloignait de la jument invisible qu'on lui avait apprit à être.
Oui, à ce moment là, elle recula en baissant les oreilles, rien de violent, d'agressif ou de trop brusque pour être incontrôlable, juste pour te signifier qu'elle n'était pas rassurée. Toi, de ton côté, tu l'étais. Tu fermas les yeux le temps d'un soupir, avant de caresser son chanfrein. «  T'inquiète pas, c'est normal d'avoir peur. Rien de plus normal. Et pas de quoi avoir peur de la peur non plus, vu que je suis là. » Tu souris en caressant son dos, et répétas les pressions, doucement, très lentement, en augmentant à peine, et avant de la saoûler, tu arrêtas tout et sortis de ta poche une sachet de friandise. La gourmandise, qui était pour elle un principe inconnu, était sans doute celui qu'elle avait acquis le plus rapidement ! C'était une découverte exceptionnelle, aussi, à peine eut-elle entendue le bruit du sachet, qu'elle te poussa de l'épaule pour tenter de le prendre. Cela vous étonne ? Lui a t-on jamais fixer des limites ? A t-elle jamais eu l'occasion de les tester ?
Malheureusement, pour qu'elle comprenne que ce qu'elle venait de faire n'était pas un comportement adéquat, tu dû lui supprimer la friandise, en la faisant reculer.

C'est les sourcils froncés que tu déclaras : « Non. Stop. » Lady, elle et son regard penaud, te fixa sans trop savoir quoi faire. Elle n'aimait pas être réprimandée, et quand elle l'était, elle se sentait terriblement mal. Heureusement, tu lui donnas une chance de rattraper, et qu'en elle accepta de nouvelles pressions sur son dos, elle attrapa délicatement les friandises déposées au creux de ta main. Oreilles levées vers le haut, et regard pétillant, tu avais retrouvé la Lady qui t'avait charmé. Une petite séance de papouillage commença ensuite : pansage, caresses. Tout ça en surveillant Vitamine, tu l'emmenais en sachant que la surveiller était nécessaire, vu que tu ne connaissais pas tous les chevaux du pré et leurs peurs.

C'est au milieu de l'après-midi que tu repartis du pré, la prochaine fois tu te promettais de travailler plus sérieusement. Mais après tout, vous aviez la vie devant vous, et le débourrage n'était pas une priorité, tu voulais avant tout faire de cette jument un vrai cheval, et oublier son passé de mi-cheval mi-fantôme.